En février dernier, l’une de mes sœurs m’a posé cette question cruciale et pourtant, si violente à entendre : es-tu sûre que ce sont de vrais souvenirs ?
Elle y a mis les formes. Elle ne voulait pas me blesser ni remettre mes propos en question. Elle avait seulement besoin de s’assurer de tout ça. Parce que mes souvenirs sont d’une telle violence et concernent, par définition, ses parents, et qu’elle a besoin de s’assurer des faits.
J’ai d’abord rappelé tous les souvenirs communs que nous avions sur son père et notre mère et qui montraient déjà un niveau de violence innommable.
J’ai ensuite cogité la question. A part dire « oui, je suis sûre », je ne savais pas trop comment le prouver ou, à tout le moins, l’expliquer.
Une amie précieuse, Anne, ainsi que ma psy m’ont expliqué que je pouvais être sûre que ce ne sont pas des souvenirs inventés parce que j’ai des souvenirs sensoriels. Il ne s’agit pas seulement d’images (vue) mais aussi de son (ouïe), d’odeur (odorat), de sensations sur ma peau et mon corps (toucher), de goût…
Pas tous les sens pour chaque souvenir. Mais, un mélange de plusieurs sens à chaque souvenir, par contre.
Bien sûr, le temps a fait son œuvre et la mémoire étant ce qu’elle est, sans doute que des morceaux d’histoire sont déformés. Le mur était-il vert ou bleu ? On était lundi ou vendredi ? J’avais 3 ans ou 5 ans ?
Mais, le fond de l’histoire est là.
J’ai vécu des violences sexuelles graves. Indicibles. Qui m’ont atteintes dans ma chair et dans mon âme.
Je vois mes différentes agresseurs. Peut-être pas tous. Est-ce si important ? Je ne le crois pas. Je ne le crois plus.
Il me faut me reconstruire en sachant qu’une partie de mon histoire ne m’est pas accessible mais avec la certitude que j’ai survécu au pire.