Mentir a presque toujours été une seconde nature chez moi.
J’avais appris tôt à mentir. Et je connaissais toutes les ficelles pour paraître crédible.
La vérité était source d’angoisse et de danger.
Alors, je mentais. Pour tout et rien.
Et je savais que cela faussait en partie les relations que je nouais avec mes proches.
Quand j’ai rencontré Carouan, mon chéri actuel, j’ai décidé qu’avec lui, ce serait différent. Avec lui, je me suis interdite de mentir.
C’était rude. Et plusieurs fois j’ai cru mourir de lui dire la vérité. Et à chaque fois, j’ai vu que non seulement je n’en mourais pas mais en plus, notre relation en sortait plus forte et solide que jamais.
Petit à petit, dire la vérité à Carouan à tout moment est devenu une habitude. Une habitude tellement ancrée dans notre relation que je lui ai révélé ce week-end la surprise que je lui organisais la semaine prochaine pour son anniversaire (oui, épic fail…).
Je me souviens, au début de notre relation, il a emprunté la voiture de ses parents. Malheureusement, une fausse manœuvre lui a fait griffer la voiture sur le devant. Rien de grave mais une griffe qui se voyait.
Durant tout le reste du trajet, je suis restée silencieuse. J’ai imaginé mille trucs à dire à ses parents pour nous disculper.
Arrivé chez ses parents, la première chose qu’a fait Carouan a été de dire à sa mère qu’il avait pris un trottoir de trop près et qu’il avait griffé la voiture.
Mon cœur s’est arrêté de battre. J’ai eu la sensation de mourir un petit peu à l’intérieur de moi.
Mais contre toute attente, la mère de Carouan a demandé si aucun de nous n’était blessé. Puis, elle a examiné la voiture. Elle a demandé calmement à Carouan comment ça s’était passé. Et elle lui a donné des conseils, avec douceur et bienveillance sur comment éviter ça à l’avenir. Elle n’a pas dédramatisé le truc. Parce que ni elle ni son fils n’avaient dramatisé les évènements. Il n’y avait que moi qui avais imaginé le pire.
Il s’agissait d’une simple discussion mère-fils sur comment conduire la voiture et comment évaluer les distances.
Ca a été une grande leçon.
Si un jour je devais devenir maman, c’était une relation comme ça que je voulais avec mes enfants.
Il m’a fallu beaucoup de temps et de travail pour arrêter de faire du mensonge mon mode de fonctionnement.
Mais, ça a marché. Et aujourd’hui, je suis très peu crédible quand je mens. Sans doute est-ce une sorte de muscle qui s’étiole quand on ne l’utilise pas.
Aujourd’hui, je lis Dorothée Dussy : le berceau des dominations.
Et je découvre que le mensonge est un mode de fonctionnement normal des incesté.es. Et pour cause. Tout le mécanisme de l’inceste incite les incesté.es à ne surtout pas dévoiler l’inceste.
Et quand les incesté.es parlent, on ne les croit pas.
On leur apprend depuis les toutes premières agressions incestueuses à mentir et à être crédibles dans le mensonge, puisque le mensonge est interdit. Il faut donc apprendre à mentir sans jamais être pris en défaut de mentir. Les incesté.es apprennent dès lors très vite à être de parfaits menteurs.
Et cela se retournera contre elles et eux quand viendra le moment de dénoncer l’inceste.
Car comment croire un menteur ou une menteuse née ?
Le mensonge décrédibilise les incesté.es.
Perdant.es sur toute la ligne…