En 2009, j’ai déposé une plainte contre mon beau-père. Je n’avais pas encore pu déconstruire et réfléchir l’attitude et les actes de ma mère. Je n’en parle donc presque pas dans ma déposition à l’époque, bien que des passages montrent déjà des choses pas saines.
J’ai voulu faire le point sur cette plainte, presque dix ans après.
Et, à ma grande surprise, des actes d’enquête ont eu lieu et les faits ne sont donc pas prescrits.
La policière en charge du dossier m’a contactée pour une nouvelle audition en avril dernier.
L’audition a duré quatre heures. Quatre longues heures. Sans pause.
La policière a été super. Moi qui travaille dans le domaine des violences faites aux femmes, je sais combien la Justice et les auditions peuvent être violentes. Je sais combien j’ai eu de la chance d’être si bien accueillie et prise en charge.
Je me suis sentie écoutée et respectée. Elle m’a proposé plusieurs fois de faire une pause. Mais, j’avais peur de ne pas pouvoir reprendre si je m’arrêtais.
J’ai formulé des choses pour la première fois de ma vie. J’ai dit l’indicible. J’ai raconté les violences physiques, les brimades, les insultes, les viols, la prostitution forcée, tout. Je suis sortie effondrée de cette audition. L’impression que je n’allais pas pouvoir me relever.
Mais, une fois de plus, je me suis relevée. J’ai accompli l’impossible. Je suis vivante. Je suis là, plus forte que jamais. Prête à affronter mes agresseurs si besoin en était. Prête à dire la vérité. Prête à raconter.
Enfin, pas si prête. Je n’ai pas encore pu relire l’audition ni reformuler son contenu à quiconque.
Mais, je sais que, même si ce sera difficile, même si je toucherai sans doute à nouveau le fond, je pourrai affronter ça sans mourir. Sans me noyer. Sans m’effondrer totalement. Je survivrai.