La violence est là, tapie au fond de moi.
Ancrée dans ma vie depuis ma plus tendre enfance.
C’est ce que j’ai appris en premier : vivre avec la folie de ma mère, sa violence, sa fureur, son amour malsain et maladif. Puis, vers mes 6 ans, il a fallu que je conjugue aussi avec la folie de son nouvel amoureux.
Une folie différente. Moins sournoise. Plus difficile à appréhender et, en même temps, plus simple. Plus identifiable. Plus cyclique aussi.
Il m’a fallu du temps pour identifier ces folies.
C’était ma normalité. Mon quotidien. Je pensais vivre la vie de tous les enfants. J’imaginais les autres dans leurs maisons, devant faire face aux mêmes difficultés que moi.
Ils semblaient y arriver, eux.
Et moi, là, je me noyais.
Soi-disant intelligente mais incapable de gérer le quotidien familial. C’était tout moi !
Un jour, j’avais 9 ans, j’ai demandé conseil à ma meilleure amie.
Je pensais l’attitude de ma mère normale. Je pensais que son nouvel amoureux se comportait enfin en père avec moi. Ma mère me disait combien mon « paternel » n’était pas un « bon père » et combien j’avais de la chance d’avoir ce nouveau « papa » (que j’étais priée d’appeler « papa », d’ailleurs).
Mais, cet homme me faisait mal. Et je n’arrivais pas à gérer.
Un jour, donc, j’ai demandé à ma meilleure amie comment elle gérait, elle.
Après tout, son père venait du village en face de celui de mon beau-père. Sa mère était belge, comme la mienne. Et elle, elle semblait heureuse dans sa famille. Alors, elle avait peut-être un truc.
Comme le truc des épinards !
En effet, quelques jours plus tôt, des grands m’avaient montré qu’en mélangeant les épinards aux pommes de terre, à la cantine, c’était vraiment plus facile à manger.
Mon amie avait peut-être, elle aussi, un « truc » pour gérer « ça ».
Alors, je lui ai demandé.
Et à son regard, j’ai compris que non.
Elle n’avait pas de « truc ». Parce qu’elle ne savait pas de quoi je parlais.
Ce jour-là, j’ai découvert que ce que je vivais n’était pas normal. Ce jour-là, j’ai su toute l’injustice de ce que je vivais. Ce jour-là, j’ai appris.
Ce jour-là, j’ai aussi, sans doute, traumatisé mon amie, ma douce et tendre amie, toujours présente, toujours là pour moi, au moindre problème, encore aujourd’hui. Et je ne peux m’empêcher de m’en vouloir.
Mais, grâce à son regard bienveillant et à ses mots (d’enfant, comme d’adulte, plus tard), je sais que ce n’est pas moi la responsable, que je ne pouvais pas savoir.
Elle m’a permis de découvrir ce qu’il fallait que je découvre pour pouvoir me distancier de cette violence et de cette folie.
Cette petite fille, aujourd’hui femme, est toujours un pilier important de ma vie.
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