Il y a quelques jours, mon parrain est mort. Brutalement.
Je me suis couchée dans un monde où il allait bien et me suis réveillée dans un autre : celui où il n’était plus.
En réalité, il souffrait d’un cancer diagnostiqué tardivement. Quelques heures à peine avant son décès.
Je n’ai pas eu le temps d’en être informée que déjà ses yeux se refermaient pour toujours dans ce sommeil éternel des corps.
Durant ses dernières heures, il a, cependant, pensé à certaines choses importantes. Notamment, il a demandé que ma génitrice, qui se trouve être sa sœur, ne soit pas là à son enterrement.
Voilà sans doute le plus beau cadeau qu’il pouvait m’offrir avant de mourir. Ce geste montre tout l’amour et l’attention qu’il avait à mon égard. Malgré la distance. Malgré notre histoire.
Mais, il fallait que ma génitrice en fasse à sa tête. Elle a donc décidé de venir à l’enterrement. J’en ai été informée et j’ai décidé de lui écrire afin de lui rappeler qu’elle n’était pas la bienvenue.
S’en sont suivis des échanges écrits d’une rare violence.
J’ai été tétanisée de douleur à la lire.
Sans doute que si elle avait osé proférer de telles paroles face à moi, j’aurais pu la tuer à mains nues.
Ses mots ont réveillé une colère et une rage dont j’ignorais l’étendue.
J’ai pleuré, crié. Je me suis mutilée (malgré mes anti-dépresseurs et la présence aimante de mon mari et de mes enfants). J’ai cru mourir. Je ne pensais pas survivre à une telle douleur.
Et puis, les forces m’ont quittée. Mon corps s’est apaisé d’épuisement.
Je suis restée hébétée plusieurs heures.
Partageant cette conversation avec ma grande-cousine, il fut décidé qu’elle viendrait avec ses parents. Voilà qu’un deuxième cadeau m’était offert par ma famille maternelle. Mon oncle, ma tante et ma cousine étaient là, en soutien, pour moi.
Finalement, ma génitrice n’est pas venue. Elle n’a pas osé.
J’ai pu rendre hommage à mon parrain dans la sérénité.
De tout cela, je suis restée profondément touchée et meurtrie. Se sont mélangés de merveilleux cadeaux et la réitération des violences.
Et soudain, une évidence : cette colère, c’est ce que ma génitrice cherchait. Quelque part, ma colère est le dernier lien qui reste entre elle et moi. La dernière chose qui nous relie.
Et je ne veux plus. C’en est trop. Elle ne mérite pas ça.
La colère est une émotion saine. Je ne veux plus être reliée à ma génitrice par quoi que ce soit, encore moins une émotion saine.
J’ai senti ma colère changer de direction. Non plus en lien avec ma mère mais en seule protection de moi.
Le lien s’est rompu.
Seule l’indifférence est restée.
Je crois que je ne ressens plus rien pour ma génitrice qu’un vague dégoût et une indifférence froide.
Je ne veux garder de ces dernières semaines que les cadeaux que j’ai reçus : l’amour inconditionnel de mon parrain, de ma tantine, de mon cousin, de ma grande-cousine, de mon grand-oncle et de ma grande-tante. Qui s’ajoute à l’amour inconditionnel de mon mari, de mes enfants et de mes frères et sœurs.
Malgré une histoire d’une rare violence, je mesure la chance que j’ai d’être entourée de ces personnes si bienveillantes.