Verbaliser mes souvenirs

TW : mémoire traumatique, souvenirs traumatiques, violences, souffrance

Ces derniers mois, j’ai fait l’autruche. J’ai très peu voire pas du tout parlé de mes souvenirs.

Oh ! Ils ont continué à me submerger. Mais, je n’ai plus pris l’énergie de les formuler. A qui que ce soit. Même pas à moi-même. Encore moins à mes psys.

Force est de constater que cette tactique est peu efficace. Depuis lors, je ne fais que m’enfoncer un peu plus dans un mal-être palpable.

Pourtant, je fais bien semblant. Je suis souriante devant les gens. Je parais aller bien.

En dedans, c’est la tempête. Je pleure beaucoup. Souvent. Pour rien en apparence.

Même si je ne verbalise pas ces souvenirs, ils agissent en moi. malgré moi.

Je ne peux rien y faire.

Alors, avec mes psys, on a décidé de recommencer à verbaliser. Plus exactement, on a décidé que j’allais recommencer à verbaliser ces flashs qui me reviennent. A mettre des mots sur ces sensation, ces images, ces odeurs, ces goûts, aussi réalistes qu’imaginaires, puisque ce ne sont “que” des réminiscences du passé. Je sais que chacune d’elles sera là pour moi, avec ses outils pour m’aider à traverser ce cauchemar.

Mais, j’ai peur. Je sais que chaque souvenir ainsi décortiqué me fera douloureusement souffrir. Que cela ouvrira une plaie à vif. Une plaie déjà suitante, qu’il faudra drainer sans anesthésie jusqu’à ce qu’elle puisse cicatriser.

Et cette douleur, comme je l’appréhende !

Je sais que je vais à nouveau ressentir cette sensation d’être en train de mourir. Que j’aurai à nouveau la certitude de ne pas être capable d’affronter “ça”, que je mourrai avant que cette souffrance ne s’apaise. De ces morts déjà vécues mille fois.

Je sais comment la douleur va s’insinuer dans tous les pores de ma peau, entre chacun de mes muscles, dans chaque recoin de graisse, et Dieu sait qu’il y en a, de la graisse. Je sais que mon corps hurlera de douleur, le plus silencieusement possible pour ne pas trop effrayer mes enfants. Je sais que je ne pourrai pas leur cacher tout ça. Parce qu’on est en plein confinement de merde et que je ne pourrai pas profiter du relai de l’école pour exprimer tout ça.

Je sais qu’après, je serai épuisée. Incertaine d’avoir survécu. Honteuse de n’avoir pas été assez forte. En colère que ce soit encore moi et celles et ceux que j’aime qui paient le prix des horreurs de ma mère et ses accolytes qui vivent, à présent, leur meilleure vie, sans être inquiétés le moins du monde par la Justice.

Puis, petit-à-petit, l’énergie reviendra. Je serai capable de survivre au monde. De rire, même un peu. De faire ce qu’il faut pour paraître normale. Jusqu’au prochain souvenir qui s’imposera quand il le souhaitera, sans que je puisse avoir le moindre contrôle dessus… Peut-être se pointera-t-il en plein milieu d’un fou-rire avec une amie plus vue de longue date. Peut-être se montrera-t-il pendant que ma fille me récitera sa poésie. Peut-être qu’il reviendra plus sournoisement dans mes rêves, me laissant dans le doute : était-ce un rêve ou un souvenir ? Comment savoir ?

Combien de fois vais-je devoir affronter ça à nouveau avant de me sentir enfin mieux ? Vais-je devoir affronter chacun des souvenirs traumatiques ? Si oui, je n’en verrai probablement jamais le bout. On ne revit pas 17 ans ou plus d’ultra violence en quelques mois.

Peut-être, cependant, que seuls les souvenirs les plus marquants auront besoin de s’exprimer ainsi ? C’est mon seul espoir d’avoir, un jour, une vie normale.

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