La dépression

C’est sournois, la dépression. C’est là, tapis dans l’ombre. Ca vous saute dessus sans que vous l’ayez vu venir. Ou alors, peut-être que les signes étaient là mais que vous n’avez pas voulu les voir. Ou peut-être que vous les avez vus mais que vous n’y avez pas prêté attention.

Qu’importe, au fond. Elle surgit de nulle part. Ou plutôt, elle surgit des tréfonds de votre âme. Ces endroits sombres et inhospitaliers que vous fuyez.

Un matin, elle s’abat sur vous. Vous vous levez avec l’envie de mourir. L’envie de ne plus être là. L’envie que tout s’arrête et s’apaise enfin. C’en est trop. La sonnerie du réveil, c’est trop. Choisir la tenue du jour, c’est trop. Nourrir les enfants, c’est trop.

Puis, vos yeux se posent sur votre progéniture. Elles n’ont pas mérité ça. Elles n’ont pas mérité une mère comme ça. Alors, vous peignez un sourire sur votre visage. Mais, elles ont intérêt à être parfaites, sous peine de voir le masque tomber et leur mère s’effondrer.

Evidemment, personne n’est parfait. Ni elles ni vous. Alors, vous ramassez les lambeaux de votre masque, vous leur demandez pardon. Vous vous faites un câlin. Elles comprennent tellement de choses avec si peu de mots.

Les jours passent et ne se ressemblent pas. Vous pleurez pour des bêtises et vous résistez à des épreuves sans nom… Quelle bizarrerie ! L’alchimie de votre cerveau vous dépasse.

Vous prenez rendez-vous avec une psychiatre, puis avec une spécialiste de l’EMDR dont on vous a tant vanté les mérites. Cela s’ajoute à votre thérapie hebdomadaire. Au total, plus de 600 euros passent chaque mois dans ces thérapies qui ne sont absolument pas prises en charge par la mutuelle. Après tout, qu’est-ce qu’une vingtaine d’années de violences sexuelles ?

Vous n’êtes plus en état de travailler. Vous le saviez. Vous pensiez naïvement qu’en quelques semaines vous auriez réglé la question.

Vous voici un an plus tard. Presque au même stade. Pire, même. Vous savez que vous n’allez pas mieux.

Oh, pourtant, il y a eu de l’espoir.

Les quatre dernières semaines étaient plutôt bonnes. Bonnes au point de penser qu’à votre prochaine consultation chez la psychiatre, vous pourriez discuter d’une reprise du travail. (Votre banquier vous en remercierait d’ailleurs).

Et puis, ce matin, vous vous êtes levée avec l’envie de mourir. Encore. Vous avez longuement pleuré avant de réveiller vos enfants, pensant que les larmes écoulées avant leur réveil ne pourraient plus couler après.

Lourde erreur.

Lorsque votre merveille a tardé à mettre ses chaussures, vous avez explosé de douleur. Votre ventre hurlait sa rage. Vous vous êtes pliée en deux, en larmes. C’était trop. Il fallait que ça cesse.

Heureusement, vous avez appris, avec le temps, que cela passe. Tout passe. Alors, vous avez seulement pleuré seule dans le salon pendant que les filles prenaient place dans la voiture, attendant que vous les conduisiez à leur stage d’été.

Votre mari, compagnon de toujours, celui qui vous comprend et vous épaule contre tous et tout n’est pas là. Il travaille. C’est merveilleux pour lui et horrible pour vous. Ce matin, vous vous sentez atrocement seule. Vous auriez voulu qu’il soit là, qu’il vous dise ces mots dont lui seul a le secret et qui vous apaisent. Mais, vous êtes seule. Seule face à deux petites filles qui ont besoin de vous.

Alors, vous séchez vos larmes. Vous regardez votre montre. Dix minutes jusqu’au stage. Dix minutes pour revenir à la maison. Dans vingt minutes, vous pourrez craquer.

Vous regardez chaque minute s’écouler tout en conduisant. Arrivées au lieu de stage, vous serrez vos filles dans vos bras. Elles sentent que vous n’êtes pas au mieux de votre forme. Votre fille aînée vous murmure “tu es la plus forte, maman. Demain, ça ira mieux”. Les larmes montent toutes seules mais vous les refoulez. Vous repartez, la tête haute et le sourire aux lèvres vers votre voiture. Ceux qui ne vous connaissent pas ne voient qu’une mère souriante et heureuse.

Vous rentrez chez vous, prenez votre chien dans les bras et vous laissez enfin submerger par vos émotions. Vous ne savez pas d’où elles viennent. Vous savez seulement que vous avez besoin qu’elles sortent…

Demain, peut-être, ça ira mieux.

Peut-être…

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