Liberté

TW : viol, violences sexuelles, sexualité

Un sentiment profond de liberté m’étreint.

Je suis libre.

Libre de vivre ma vie. Libre de faire mes propres choix. Libre de voir qui bon me semble, d’aller où mon corps me guidera.

Mais, cela n’a pas toujours été le cas.

Pourtant, éprise de liberté, je ne me suis jamais soumise à des autorités absurdes. Qu’importe le prix à payer, fut-ce celui de ma vie.

D’ailleurs, ma vie n’aurait eu aucune valeur à mes propres yeux si j’avais obéi docilement.

Face aux violences, je n’ai jamais baissé le regard, exacerbant parfois la colère de mes agresseurs, obligés d’être confrontés à leur miroir à travers mes yeux qui ne les lâchaient pas.

C’était là ma maigre victoire : Tu as gagné l’accès à mon corps par la force mais tu n’as pas réussi à ébranler qui je suis. Je reste intacte malgré ta violence.

J’ignore d’où cette force m’est venue. Je sais juste qu’elle est en moi du plus loin que je me souvienne.

“Elle est têtue” disait souvent ma génitrice, d’une moue désapprobatrice. Tu ne crois pas si bien dire.

Plus exactement, je suis obstinée. Et je ne compte pas renoncer à cette qualité qui m’a sauvé la vie.

Ils ont eu mon corps. Ils ont eu mon sexe. Ils ont eu mon vagin. Mon anus.

Mais jamais ils n’ont obtenu mon âme. Jamais ils n’ont obtenu mon consentement. Ni la paix de mon regard les toisant.

Pendant longtemps, j’ai méprisé et ignoré mon corps sali par la répugnance de leur luxure. Longtemps aussi, j’ai bloqué sur le plaisir sexuel partagé. Je ne pouvais que donner ou recevoir mais jamais en même temps.

Une part de moi continuait à ressentir le sexe et la sexualité comme sale et dangereuse. Toute la rationnalité du monde, toutes les lectures, les réflexions ou les échanges n’arrivaient pas à convaincre cette part de moi de l’erreur intrinsèque qu’elle commettait.

Ce n’est pas le sexe ou la sexualité qui est sale.

C’est la violence.

D’ailleurs, ma sexualité n’a débuté que lorsque j’ai vécu des échanges consentis. Et il n’y avait rien de sale ou de honteux là-dedans. Mais, je continuais à le vivre ainsi.

Grâce à des années de thérapies, grâce à l’amour inconditionnel de mon mari, j’ai pu vivre une sexualité terne mais rassurante.

Bien sûr, je m’en voulais de ne pas offrir plus de plaisir à mon amoureux. Cependant, j’étais incapable de faire plus que ce que je ne faisais.

Jusqu’à ce que toutes les parties de moi puissent enfin s’aligner.

Jusque là, mon corps s’était obstiné à grossir ou, à tout le moins, ne pas perdre un gramme, à quelques rares exceptions près.

Perdre du poids, c’était prendre le risque d’être désirable et désirée. De me sentir salie par les regards d’autres hommes ou femmes.

Mais voilà qu’au cours des dernières années, je suis devenue animatrice d’auto-défense féministe. Voilà que j’ai appris à incapaciter un agresseur en quelques secondes, voire à le tuer.

Il y a quelques semaines, au cours d’un moment de sensualité avec mon compagnon, cette part de moi terrifiée par la sexualité a réussi à être apaisée par cette part de moi capable de mettre un agresseur hors d’état de nuire.

Cette sensation d’apaisement a été presque physique. J’ai distinctement entendu un déclic à l’intérieur de mon corps.

Mon désir si longtemps enfoui a alors pu prendre son envol. En quelques secondes, mes gestes, mes mots, mon attitude ont changé.

Cette nuit-là, j’ai vécu l’expérience sexuelle la plus intense, la plus sensuelle, la plus enivrante et la plus puissante de ma vie.

Soudain, je me reconnectais à ma puissance, toutes les parties de moi étant enfin alignées.

Depuis, ce sentiment ne me quitte plus.

Voilà que j’ai fait un bond de géant dans ma thérapie.

Je me sens bien. Belle. Désirable et désirée. Inévitablement, cela attire les regards. D’hommes et de femmes.

Ces regards qui me mettaient terriblement mal à l’aise m’enveloppent désormais d’une bulle de sensualité enivrante.

Toutes les parties de moi découvrent enfin que je plais. Malgré mes blessures encore à vif. Malgré les cicatrices des blessures soignées. Malgré mon poids. Malgré ce corps gras et bien éloigné des diktats de la société.

Mieux : ce corps dont j’ai haï chaque cellule pendant de longues années, ce corps qui n’est plus très jeune, ni très ferme, qui déborde de bourrelets, ce corps suscite du désir. De la part d’hommes et de femmes qui me plaisent.

Pendant longtemps, mes kilos ont protégé mon corps du désir. Du moins, le croyais-je.

J’avais tort. Seule moi me suis protégée. Parce qu’il me faut admettre que ces kilos sont impuissants à me protéger du désir d’autrui.

Cette découverte est d’autant plus précieuse que je ne veux plus de cette protection-là.

Au contraire, je veux me réconcilier avec chaque partie de moi, les plus lumineuses comme les plus sombres. Je veux me reconnecter à cette expérience sacrée et tout à la fois légère que représente la sexualité.

A nouveau, ce sentiment de liberté m’étreint.

A présent, je peux la vivre pleinement.

Je suis libre. Libre de vivre ma sexualité comme je l’entends. Où et avec qui je veux. Je suis forte. Je suis puissante.

Et surtout, je suis heureuse.

Je savoure chaque minute de ce précieux bonheur que la vie m’offre.

1 réflexion sur “Liberté”

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