Un viol

TW : description explicite de viol sur une enfant

Ne lisez pas ce qui suit si vous vous sentez fragile, à fleur de peau. Inutile de vous infliger ça si vous souffrez déjà.

Par contre, lisez ça si vous pensez savoir ce qu’est un viol sans jamais l’avoir vécu.

J’ai quinze ans. Je suis sur ma paillasse. Nous sommes en vacances. Je partage une paillasse avec ma cousine (en tout cas, si mon beau-père était mon père, elle serait ma cousine), un peu plus jeune que moi. Je l’aime beaucoup. Nous passons des heures ensemble.

Nous nous endormons souvent main dans la main, corps contre corps. L’homosexualité est un tabou indicible. Et puis, nous sommes de la même famille. Elle vit son lot de violences. Moi les miennes. Nos soirées et nos nuits, nos mains entrelacées sont un réconfort sans nom. Il ne se passe rien d’autre entre nos corps que nos mains qui s’entrelacent et nos corps qui s’endorment l’un contre l’autre. Mais, c’est l’unique raison qui me donne envie, chaque année, de passer deux mois d’été là-bas, loin de tout et sans contact avec le vrai monde, sans protection aucune de la part de quiconque, seule face à la violence extrême.

Cette nuit ne fait pas exception. Après avoir parlé de garçons, dont un qui m’a demandée en mariage, après avoir ri, après avoir regardé les étoiles, nous nous endormons, main dans la main.

Pourtant, au milieu de la nuit, sa main me quitte. Instantanément, je me réveille.

A sa place, LUI.

Mon beau-père.

Il est en slip. Son torse est nu.

Je suis terrorisée. Je sais ce qui m’attend. J’ai peur. Je garde les yeux fermés. Inutile de les ouvrir pour savoir précisément ce qu’il fait.

Je sens son souffle sur mon visage. Ses mains sur mon corps. Je continue à faire semblant de dormir. Il sait que je fais semblant. Il me connait trop bien. Il me parle. Je n’écoute pas.

Mon coeur bat tellement fort. Le village entier doit l’entendre ce coeur. Peut-être que mon coeur fera tellement de bruit que ça l’effrayera et qu’il partira ? Je concentre toute mon attention sur les battements irréguliers de mon coeur terrorisé.

Il s’approche. Encore. J’arrête de respirer.

Il me déshabille. Je suis nue en quelques instants. Il se colle à mon dos. Je sens son souffle sur ma nuque. Je sens son haleine.

Je sens ses mains se frayer un chemin sur ma peau. Il explore chaque millimètre carré de peau.

Soudain, je suis propulsée hors de mon corps. Je n’ai toujours pas recommencer à respirer. Enfin, je crois.

Peut-être suis-je morte ?

Je vole au-dessus de nous. Je vois chacun de ses gestes sur mon corps inanimé. Je ne bouge pas d’un centimètre. Je ne pourrais pas. J’ai quitté mon corps. Je n’ai plus aucun contrôle sur ce corps.

Je me surprends à observer le village, la maison. C’est comique, vu d’en haut. Je perçois avec une précision glaçante le moindre détail de nos meubles. Les dessins que forment les arabesques sur les tissus qui recouvrent les fauteuils se fixent à jamais dans ma mémoire, comme collés à ma rétine.

Alors, c’est ça la mort ?

Je continue à regarder la scène, incapable de rester bien longtemps à la contemplation du décor.

Je le vois se frotter contre mon corps. Son souffle se fait court. Ma tête est enfouie dans l’oreiller. Mon visage est baigné de larmes. Je pleure en silence.

Ne serais-je pas morte, finalement ?

Je remarque que j’ai recommencé à respirer. Je le vois aux soubresauts de sanglots qui secouent mon corps.

Puis, je le vois rentrer ses mains vers son sexe. Il se prépare à me pénétrer.

Je regarde la scène, impuissante, toujours séparée de mon propre corps. Je sais que je vais avoir mal. Je sais que je vais saigner. Mais, je suis incapable de faire quoi que ce soit. Je ne suis qu’une témoin impuissante de l’horreur qui se joue.

Je vois mon corps se raidir. Je mords le coussin pour ne pas crier. Il fait son affaire. Aller-retour. Aller-retour.

Son souffle est toujours court.

Aller-retour. Aller-retour.

J’ai mal.

Aller-retour. Aller-retour.

Chaque mouvement est comme une lame de rasoir qui coupe et déchiquète inlassablement mon corps.

Aller-retour. Aller-retour.

Il est au-dessus de moi. Je ne peux que respirer dans son souffle. Je vais suffoquer. Je le sais. Son odeur. Son haleine. Il a mangé des haricots blancs. A la sauce tomate. Avec des oeufs brouillés. Je sens aussi l’odeur de l’ail et de l’origan. Toutes ces effluves se mélangent à l’air moite et fétide.

Aller-retour. Aller-retour.

Je ne vais pas survivre à ça. Pas une nouvelle fois. Je vais mourir. Ici. Maintenant. Je ne veux pas mourir. Mais, je ne vais pas survivre à ça. Je le sais.

Pourtant, une onde de soulagement me parcourt l’échine. Il est sorti de moi. Il a joui. Mon anus se referme, endolori et blessé.

Je sens chaque pulsation de mon coeur battre dans mon anus. Malgré le soulagement, j’ai l’impression que la douleur ne s’arrêtera jamais.

Il se couche sur le dos. Il reprend son souffle. Il n’a plus aucun geste pour moi. Son jouet a perdu de son utilité, maintenant qu’il a joui.

Il se relève, en silence.

Je suis toujours observatrice. de la scène, comme flottant au-dessus de nos corps. Je suis toujours allongée, en silence. J’ai cessé de sangloter. Les larmes continuent de couler, par contre. Je suis comme morte à l’intérieur de moi-même.

Je le vois rentrer dans sa chambre. La porte se ferme.

Quand je ramène mon attention à mon corps, je vois que ma cousine m’a prise dans ses bras. Elle me berce comme une enfant, en chantant des berceuses dans sa langue, en pleurant, elle aussi, et en répétant à quel point elle est désolée.

Tout devient noir autour de moi.

Je réintègre mon corps au petit matin.

Je ne me souviens pas de grand chose. Seulement d’avoir mal à l’anus, de saigner et d’avoir un étrange liquide gluant qui en sort.

Je gère ça comme si ce n’était pas réel. Je veux dire : j’agis mécaniquement sans réfléchir à ce que je fais. Surtout, ne pas réfléchir. Je me lave à l’eau, longuement. La vulve. L’anus. J’éponge l’eau. Ne surtout pas frotter avec la serviette éponge. J’évite de m’asseoir sur mes deux fesses pendant quelques jours, le temps que ça arrête de saigner et que ça cicatrise.

Ma mère sait. Je le vois dans son regard. Et elle en plaisante. « Assise sur une fesse, comme ça, tu fais tellement ‘madame’  » aime-t-elle me dire en riant.

Je me sens sale, je me sens laide. Je me sens méprisable. Je me hais. Je hais mon corps qui me fait si mal. Je ne comprends pas pourquoi je ressens toutes ces choses. L’amnésie est déjà en train de faire son oeuvre et enferme ces souvenirs dans un tiroir fermé à double tour dans un recoin caché de mon cerveau.

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