Ma participation écrite au défi Inktober
Un dragon sommeille au fond de moi, à côté de la sorcière. Ils se partagent le même espace exigu.
La particularité de ce dragon, c’est que plus il vit dans un espace réduit et plus il grossit. Mais, il m’effraie tellement que, malgré moi, je l’enferme dans des boites toujours plus petites.
A chaque fois que mes émotions explosent et prennent le contrôle de mon corps, ce dragon est libéré. Il prend alors toute sa place. Majestueuse. Il s’étire. Il crache du feu. Il en a besoin. Il crache et hurle tout ce qui était bloqué au fond de lui. Tant pis s’il blesse des gens.
Dès que j’arrive à reprendre le contrôle, j’attrape ce dragon et l’enferme à triple tour tout au fond de mon cœur. Il me fait tellement honte, ce dragon.
Mais, chaque fois qu’il sort, il s’exprime d’une manière de plus en plus violente.
Une réflexion se fraye son chemin. Et si je le laissais s’exprimer un peu plus, ce dragon ? Peut-être qu’il n’exploserait pas à chaque fois ? Il ne peut pas avoir autant de flammes en réserves, de toute façon…
Petit à petit, je le laisse donc sortir. Chaque sortie est périlleuse. Je m’accroche vaille que vaille à mes repères. Je l’observe.
Il souffle doucement son émotion, ce matin. Miracle. Personne n’est blessé. Personne ne m’en veut. Personne ne me hait. On dirait qu’il sait y faire, ce dragon, en fin de compte.
Cependant, je ne suis pas assez en confiance pour le laisser en liberté. Il retourne bien vite dans sa cage. Mais, sa cage s’est agrandie. Elle possède des barreaux. Je peux l’observer, désormais. La boîte verrouillée a été reléguée dans les souvenirs.
Ce dragon a accumulé la colère de mon enfance. Celle que je n’ai jamais pu exprimer, au risque de mourir. Je découvre que les flammes de ce dragon ont été le carburant de ma réussite et de ma survie. Il m’anime. Ce n’est pas un ennemi. Au contraire.
Ce n’est pas sur moi qu’il souffle ses flammes mais sur tout ce qui pourrait me faire du mal. Il m’aime.
Ce dragon, c’est moi.
Et soudain, j’apprends que je m’aime. Maladroitement. Pas suffisamment. Mais, quand même. Je m’aime.
Ce matin, je regarde ce dragon. Et je lui souris. Je sais que je vais réussir à l’apprivoiser tout comme il m’a déjà apprivoisée, il y a bien longtemps déjà.