TW : description de scène de violence physique, mention de vi*l
La première fois que le mari de ma mère m’a frappée, j’avais neuf ans. Je m’en souviens bien.
Ma mère venait de rentrer de la maternité avec M., ma petite soeur.
C’était l’heure du bain. J’étais toute excitée de voir ma petite soeur et de participer à son bain. Malheureusement, la joie n’a pas duré longtemps.
Il m’a frappée sur la tête. La tête était son endroit préféré pour frapper. Il le disait lui-même : la tête, ça ne laisse pas de traces !
Le lendemain, il m’a traînée à pieds nus sur la terrasse jusque dans la cuisine. J’ai marché sur un vieux clou rouillé qui est resté planté toute la journée dans mon talon.
Il m’a mis un briquet dans les mains, devant la gazinière et m’a demandé de l’allumer. J’étais terrifiée. De sa violence mais aussi du feu. On m’avait mise en garde pendant 9 ans : ne t’approche pas du feu, c’est dangereux. Et maintenant, je devais mettre mes doigts tout près ?
Il m’a frappée sur la tête jusqu’à ce que j’allume enfin la gazinière. La scène a bien duré une demie journée. Peut-être plus.
Quand il en avait marre, il m’envoyait sur la terrasse, toujours pieds nus. Puis, il revenait à la charge.
Je me souviens avoir longuement pleuré. J’avais peur qu’il me frappe et peur du feu. La peur de ses coups a fini par l’emporter.
De ce jour, c’est moi qui ai été chargée de faire tous les repas chauds de la famille. Personne ne m’a vraiment appris. Il y avait des boîtes, avec des indications. Et je suivais ce que mon instinct me disait. Les repas n’étaient pas très variés : pâtes bolo, du riz au curry, des pâtes sauce brune ou encore des pâtes au fromage.
Pendant 2 ans, de mes 12 à mes 14 ans, tous les jours sans exceptions, nous avons mangé des pâtes bolo. Enfin, des pâtes bolo, c’est vite dit. Un kilo de pâtes et un bocal de sauce toute faite du Lidl que je délayais avec l’équivalent en eau. Dedans, je devais rajouter la viande achetée par mon beau-père. Parfois du haché, parfois de la viande en morceau de mauvaise qualité que je devais faire bouillir avec du bouillon-cube. Et nous avions aussi droit à du fromage rapé.
Je me souviens avoir littéralement pété un câble. Au risque d’être frappée, j’ai exigé de manger autre chose que des pâtes bolo. J’ai choisi mon moment : une des phases où il m’aimait « trop » (celles où il me violait, donc). Je limitais aini le risque qu’il me frappe.
Et puis, j’ai argumenté. La santé de mes soeurs (mes frères n’étaient pas encore nés). L’importance de varier l’alimentation. J’ai obtenu gain de cause.
Dès lors, j’ai pu faire les courses. Cela me rajoutait une corvée mais diversifiait nos repas. J’étais évidemment limitée dans le budget. N’empêche, je pouvais varier les repas, et ça, c’était merveilleux !
J’ai commencé à cuisiner. Vraiment cuisiner.
Sauces tomates, sauces curry, nasi goreng, potées liégeoises sans lardons, omelettes, riz au maïs, riz au fromage, riz aux champignons, pâtes aux légumes, poisson, etc..