TW : viols – inceste
Quelque part entre 2007 et 2009
Il a repris contact avec moi. Je me souviens vaguement de lui.
C’était le neveu de mon beau-père. Il a emménagé quelques mois avec nous quand j’avais 6 ans. J’ai pas de souvenirs très nets de lui. Mais, c’est la famille.
Alors, je souris et je lui parle.
Il me dit m’avoir trouvée par hasard. Il travaille dans un restaurant à Alma. Il me propose d’y manger pour discuter. J’accepte. Le restaurant est sympa. La carte est origniale, mêlant différentes cuisines. J’hésite entre beaucoup de choses mais mes finances ne me permettent pas grand chose, à vrai dire.
Il doit sentir ma réticence car il me précise qu’il m’invite évidemment et que je peux donc prendre tout ce que je veux. Je souris.
Il me dit que ce matin, ils ont reçu de délicieux rougets et me demande si j’en ai déjà mangé. Je réponds par la négative. Il me dit « alors, n’hésite pas, je te fais ça ».
Attablée au restaurant, il vient régulièrement me faire un brin de causette entre deux clients et me sert une magnifique assiette. C’est un pur délice. Le poisson est fondant. Il y a de la salade. Je vois encore l’assiette devant moi. Ses couleurs vertes de la salade, ce rouge et brun pâle du poisson, l’assiette blanche, les patates.
Il me propose d’aller chez lui, à la fin de son service. Mais, j’ai de nombreux rendez-vous prévus l’après-midi et n’ai pas du tout le temps. Il m’invite alors à venir une prochaine fois et me reconduit à mon kot (NB : en Belgique, un kot est une chambre étudiante, souvent près des campus universitaires ou de hautes écoles).
Nous parlons de tout et de rien. Un peu de mon beau-père. Je lui apprends le divorce de mes parents. La maladie mentale de mon beau-père. Ses violences. Mais, je ne rentre pas dans les détails.
Arrivés au bas de mon immeuble, il me dit qu’il veut voir où j’habite pour s’assurer que je ne manque de rien. J’accepte. Après tout, c’est gentil.
J’habite à l’étage. Nous prenons l’ascenseur. Les portes de l’ascenseur se referment avant que la cabine ne grimpe les étages.
Soudain, son corps s’affale sur le mien. Il me colle à la paroi de l’ascenseur et essaie de m’embrasser. Des flashs me reviennent qui n’ont aucun sens. Lui, dans mon lit quand j’avais 6 ans. Des odeurs et des sons du passé. Son corps qui veut forcer le mien dans le présent. Je me débats. Il me chuchote à l’oreille « arrête, je sais que t’aime ça, comme quand t’étais gamine ». La porte s’ouvre. Je sors précipitamment. Je lui dis qu’on ne peut pas faire entrer les invités plus loin.
J’ai peur. Mes colocs sont là. Mais, comprendront-ils.
La porte se referme. L’ascenseur redescend. Je rentre dans mon couloir et rejoins ma chambre. Ma coloc m’affirme que c’est une agression.
Je veux juste oublier. Mon coloc vérifie qu’il a quitté les lieux.
Dorénavant, il sait où j’habite. Et c’est de ma faute.
Je ne porte pas plainte. J’ai besoin d’oublier.
Août 2020
Il a trouvé la trace de mes soeurs via les réseaux sociaux. Ainsi que le numéro de téléphone de l’une d’elles. Il leur parle de leur père. Leur dit qu’il a disparu et qu’il faut faire une enquête. Il invente une partie de l’histoire. Il invite l’une de mes soeurs chez lui.
Elles ignorent tout de ce qu’il m’a fait.
Ma soeur accepte. Elle va chez lui. Seule.
Heureusement, il ne lui fait rien ce jour-là.
Mais, elle m’en parle dès le lendemain. Je me fige. J’ai peur pour elle. Peur qu’elle ait oublié mais qu’elle ait quand même été agressée.
Je m’en veux terriblement. J’aurais du la protéger en lui disant tout. Sauf que je n’ai encore verbalisé à personne qu’il m’a violée quand j’étais gamine. Parce que ces souvenirs-là ne sont revenus que ces derniers mois et que c’est difficile pour moi de verbaliser ces souvenirs. C’est comme des milliers de couteaux qui transpercent ma gorge, ma poitrine, mon abdomen.
J’ai juste pu dire à mes soeurs « il fait partie de ceux qui m’ont fait du mal quand j’étais petite, et il a essayé de me violer quand j’étais à l’unif ». Et rien que ça, c’était déjà difficile.
Il a demandé après moi et dit qu’il aurait aimé me revoir…
Depuis, je me souviens de lui. Des viols quand j’avais 6 ans. Il dormait à mes côtés parce qu’il n’avait pas de lit et que nous partagions donc le même lit.
Je me souviens de son souffle. De son geste quand il m’intimait de me taire. Je me souviens de mon lit, blanc. De cet appartement, devant lequel je repasse régulièrement quand je vais à Bruxelles.
Je me souviens.
Et lui, il veut me voir. Lui, il a une belle vie. Lui, il ne souffre pas. Il ne pleure pas. Il ne dépense pas d’argent pour aller mieux suite à ces évènements.
Lui ne sera probablement jamais inquiété.
Depuis la semaine dernière, je pleure pour un rien. Tout est de trop. Ma colère continue d’enfler. A présent, mes frères et soeurs savent. J’ai fait ma part pour les protéger à l’avenir.